Si pour avoir par trop hault entrepris
L’entrepreneur en doibt estre repris,
Ò
tres illustre et tres noble Princesse,
Estre celuy certes je me confesse.
Je me confesse estre par trop haultain,
Entreprenant un affaire incertain.
Entreprenant ainsi à l’advanture,
Vous saluer par ma sotte escripture,
Mais vostre grande et rare humanité,
Vostre doulceur, vostre benignité,
Et vos Vertus, m’y ont donné couraige.
Si la Noblesse et le Royal lignage,
Si vostre estat triumphant et pompeux,
Eust vostre Cueur rendu plus orgueilleux,
Lors à bon droict, je ne debvrois penser
À ceste fin, où me veulx advancer.
Mais puis que j’ay du contraire science,
En cognoissant par bonne experience,
Qu’il n’y a rien dans vostre noble cueur,
Qu’humanité et toute grand doulceur :
J’ay essayé encor’ une foys faire,
Ce que je fis à mon premier affaire.
Il me soubvient de la compassion,
Que vous aviez de mon affliction,
Il me soubvient du mal que vous souffriez,
Qu’à vostre gré lors ne me secouriez.
Je ne sçay point
Madame, si depuis
Qu’en ceste croix (quatre ans a) tumbé suis,
Si grand malheur m’est bien peu advenir,
De n’estre plus en vostre soubvenir.
Il est possible (ainsi qu’un long espace
Communement nostre memoire efface)
Possible est (dy je) aussi, que ne sçavez
Le Serviteur que retenu avez,
Le Serviteur qui de rien ne se vente,
Sinon qu’il a affection fervente,
Quelque matin, en saoulant son desir
Vous envoyer chose, où prenez plaisir ;
Vous envoyer au moins un tesmoignage,
Qu’a de long temps de vous servir courage.
Si ce grand heur ne m’est onq’ advenu,
Que j’ays esté des vostres retenu,
En attendant qu’aultre je deviendray,
Tousjours pourtant des vostres me tiendray.
J’estime aussi, que le temps advenir,
Aultre pourray que ne suis, devenir,
Ayant pouvoir et le temps plus propice,
Que je n’ay pas, pour vous faire service.
Je vous supply,
Princesse tres perfaicte,
En regardant si justement soubhaitte,
Que je n’ays point mon espoir abusé,
Où mon temps s’est jusques icy usé.
Et qu’il vous plaise aussi, pitié avoir
De l’affligé, qui ne peut se ravoir ;
De l’affligé, lequel soubs esperance,
En languissant se consume en souffrance.
Vous luy pourrez un jour, selon le cours,
Prester la Main en faveur et secours,
Vous le pourrez, hors de captivité,
Restituer en pleine Liberté,
Je vous requiers,
Princesse tres illustre,
Que luy prestez l’umbre de vostre lustre.